Le 2008-12-27 17:27, DeafJunkie88 a écrit: Ou bien tu réussis et tu fais exactement l'album que tu voulais faire. Je pense que j'y suis presque parvenu. Il y a encore deux ou trois chansons que je referais. Et je les referai.» Sans tarder.
Merci garçon! C'est la première fois que je vois un commentaire "expliquant" la version 2 de ce disque.
----------------- En forme avec Jean Leloup: 10/05/2000, 10/22/2003, 10/23/2003, 10/24/2003, 10/25/2003, 12/18/2003, 12/19/2003, 09/19/2006, 08/30/2008, 04/30/2009, 11/13/2009, 11/14/2009, 11/27/2009, 11/28/2009, 11/17/2011, 07/08/2012, 10/31/2015, 12/11/2015, 12/12/2015 | OiNK 4eva
Le nouveau disque de Jean Leloup a été enregistré presque entièrement en prise directe, tout le monde en même temps dans la pièce. Grosse bouffée de vie au présent pour repousser la mort aux calendes grecques. Plus de temps à perdre quand on a 41 ans, l'esprit clair et... la barbe blanche. Instantané en pleine maturité.
S'il la laissait pousser, avoue-t-il, elle serait blanche. La barbe. Ça va encore pour les cheveux, uniformément noirs. Je soulève ma casquette et lui montre les sels plus nombreux que les poivres. «Quel âge t'as?», me demande Jean Leloup. Quarante et un ans. Comme lui. «C'est fou, hein?», s'exclame-t-il. Oui. Je le revois aux Foufounes électriques avec La Sale Affaire. Fin des années 80. Festival international de rock de Montréal. La toute menue Andrée Lévesque à ses côtés. L'album Menteur sortait. Printemps-été sur les ondes. Et je le revois ensuite lors de ma première entrevue avec lui, à la sortie de L'amour est sans pitié. Shed Café. Lui hors de portée, gelé comme les cinq balles d'un barillet en contenant six. Roulette russe version rock'n'roll. Il n'est pas encore mort, c'est fou, hein? «Oui, c'est fou.»
Il va même très bien. Regard clair de mardi matin à 10h30 au Rumi, rue Hutchison. Regard plus clair que le mien. Regard neuf. Ce n'est pas pour rien qu'on parle du temps qui passe. À travers le nouvel album qui nous amène là, intitulé La Vallée des réputations, le temps est partout mesuré. Dès Ballade à Toronto, la première chanson, c'est marqué. «Le temps passe et un jour on est vieux et puis seul et rien ne reste plus que la fierté d'avoir aimé correctement / ou la honte et les tourments de ne pas avoir compris à temps.» Dans Vieille France, il constate derechef: «Le saint, le fou, le criminel sont tous égaux / l'homme est mortel.» Dans Promeneur, il renchérit: «[É] combien de vieillards / meurent en criant regrets.» Dans Raton laveur, évoquant ces petites bêtes qui meurent le plus souvent en couple sur les routes, il en rajoute encore: «Qui sera donc, à la fin de ma vie / mon amie d'écrasement... »
On appelle ça un fil conducteur. Leloup sourit chaleureusement. «Depuis ce show dont tu parles, aux Foufounes, j'ai été au bout de quelques rêves. J'ai rêvé d'être riche et l'ai été. Rêvé de gloriole et l'ai vécue. C'est facile de rêver quand t'as rien. Facile d'être révolutionnaire quand t'as pas une cenne. Mais c'est quand tu as tout ce dont tu rêvais que tu décides qui t'es vraiment. C'est d'être roi et d'abandonner son trône qui est difficile. Une fois que t'as réussi ça, tes préoccupations ne sont plus les mêmes.» Ayant survécu, contre toute attente, à lui-même, ses rêves, ses excès et la roulette russe, Leloup a tout simplement décidé de vivre. Intensément, comme avant. Mais consciemment. «L'idée, c'est de ne plus trop se tromper. D'arrêter d'être tatillon. Tatillon, téteux, temps. Un jour, on meurt, alors c'est quand même cave d'être cave. J'avais toujours pensé que je serais là infiniment. Et j'ai failli péter au frette. Là, je sais seulement que je suis là en ce moment, et que j'ai très envie de faire de la musique. Alors, j'en fais.»
Tout simplement. Au sens de simplicité volontaire. Dénuement assumé. Leloup, sa musique et ses musiciens, tels quels, sans filtre. «Ce disque a été enregistré presque live pour la beauté du geste, contre la froideur», écrit-il en exergue de l'album, dans une marge du livret. Comprenez par là qu'il est revenu à la «méthode Hank Williams», comme il dit. Tout le monde dans le même studio en même temps, aussi longtemps qu'il faut pour que la prise soit bonne. «Ça sonne live, mais c'est le contraire d'un disque garroché. C'est pas des démos. C'est du travail et du travail de simplification. C'est ce qui arrive d'extraordinaire quand on joue de manière concentrée à plusieurs. Être ensemble rythmiquement, ça veut dire être en même temps dans l'univers qu'une autre personne. Ce qui est très, très rare. Un temps commun.»
Cela donne un disque que l'on reçoit à la fois au plexus et en pleine face. La voix de Leloup, avec peu ou pas d'écho, est très en avant dans le mixage. Des guitares très propres ou très sales selon les besoins le flanquent de part et d'autre. Une basse, une batterie, de temps en temps un clavier bâtissent le plancher. Pas d'effets. Pas de programmations. «C'est bien, les machines, les loops, j'en ai utilisé sur d'autres disques. Mais là, j'étais en quête de la magie que produisent des humains quand ils travaillent ensemble. Au fond, depuis l'âge de onze ans, je suis un chanteur avec une guitare. Et j'aime l'idée que je peux, à tout moment, prendre ma guitare et créer quelque chose. Sans rien. Sans électricité, sans LG-2, sans dépendance. Et avec ma voix et une guitare, je peux communiquer. Alors, autant communiquer avec des musiciens.»
Pour la première fois, un album de Leloup paraît «sous licence», c'est-à-dire que l'artiste a livré un produit fini à une compagnie de disques (Audiogram, en l'occurrence, qui soutient Leloup depuis le début). Une sorte de souveraineté-association, quoi. Première parution sur l'étiquette Roi Ponpon, donc. «C'était mieux comme ça. Tu ne peux pas toujours donner aux gens des chèques en blanc. Là, c'est moi qui étais responsable. Et j'ai découvert que j'aimais ça, la responsabilité. Pour certaines chansons, on a joué sans arrêt pendant des jours jusqu'à ce que je sois content. Ça me coûtait cher et je le savais. C'est ça, vivre. Tu prends tes risques et tu manges ta marde si ça rate. Ou bien tu réussis et tu fais exactement l'album que tu voulais faire. Je pense que j'y suis presque parvenu. Il y a encore deux ou trois chansons que je referais. Et je les referai.» Sans tarder.
LA VALLÉE DES RÉPUTATIONS Jean Leloup Roi Ponpon/Audiogram (Sélect)
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C'est vrai que c'est chouette revenir en arrière et voir des vieux posts comme ça.