9 derniers messages [ en ordre inverse ]
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Lalight (Membre)
2003-10-30 11:08 |
Inscrit: Mar 23, 2003 Messages: 14
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Ce sont vraiment deux textes à énergie tellement différente. J`aime beaucoup mieux le deuxième même si le premier texte a des propos justes. Justes mais un peu insécure je dirais. Si chacun regarde à l`intérieur de soi, qu`il s`entraine spirituellement, il saura remplir son rôle dans la transformation de ce monde. Ni plus ni moins, un moment à la fois. Plusieurs le font déjà. Qu`on se le dise. Tous sont invités à prendre leur place respective.
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aime mât nue aile (Membre)
2003-10-30 09:43 |
Inscrit: Dec 03, 2002 Messages: 248
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Haha... À toi de choisir la musique que tu veux en guise de trame sonore à ta lecture... Perso, j'te conseille n'importe quel album de Leloup...
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GonzzonG (Décodeur requis)
2003-10-29 17:07 |
Inscrit: Apr 06, 2002 Messages: 1991
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Y'a pas de photo avec ca ..une musique d'Accompagnement!!!
----------------- Le Monde Des Guitares De Jean Leloup ©º°šš°º© J'aime la vie, mais cibole que c'est court et compliqué! On met beaucoup de temps à comprendre qu'on comprend rien. ©º°šš°º© GönZZönG
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aime mât nue aile (Membre)
2003-10-29 16:14 |
Inscrit: Dec 03, 2002 Messages: 248
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ya pas de quoi reyam... je savais que ca te plairait... jaimerais bien, aussi, avoir une copie de ta thèse!! -emmanuel
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Reyam (Membre)
2003-10-29 14:56 |
Inscrit: Dec 11, 2002 Messages: 937
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Merci beaucoup Aime mât!! J'ai lu le texte sur l'art et je lirai l'autre plus tard ce soir. Excellent article qui est bien près de mes propres recherches. Je l'utiliserai pour ma thèse . C'est une notion qui est de plus en plus près de la conscience collective, celle que l'art est le moyen qui nous permettra de quitter ce monde abominable où l'$ dicte tout. [ Ce Message a été édité par: Reyam le 2003-10-29 14:58 ]
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Bloui (Membre)
2003-10-28 22:33 |
Inscrit: Sep 03, 2003 Messages: 19
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En effet, très intéressant ! Merci, maintenant je vais me reposer les yeux un peu
----------------- Sugarplum
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MaRIeE (Membre)
2003-10-28 20:22 |
Inscrit: Aug 05, 2003 Messages: 322
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Y'est indeed vraiment long ton texte, mais super interessant!
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aime mât nue aile (Membre)
2003-10-28 19:46 |
Inscrit: Dec 03, 2002 Messages: 248
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Zut... je viens de revoir ça... c'est vraiment long mon texte!!! doh! Et en plus, je voulais en copier-coller un autre... Tant pis, je le fais quand même! ______________________________ 1- Les militants nouveaux sont arrivés ____________________________________________________________ Par Sylvain Marcelli Ils sont des millions à vouloir changer le monde Deux chercheurs américains affirment, au terme d'une longue enquête, que les pays occidentaux vivent actuellement un important changement de société. D'après eux, des millions de personnes prennent leurs distances, dans leur vie personnelle et sociale, avec la société de consommation. Ouverts aux valeurs de l'écologie, adeptes du développement personnel, soucieux de remettre l'humain au coeur de la société, ceux que le sociologue Paul H. Ray et la psychologue .herry Ruth Anderson nomment les « Créatifs culturels » pourraient sauver la planète d'une destruction programmée. Le scoop est énorme : aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, nous serions en train de vivre un profond changement de société, une transformation radicale de notre civilisation, sans en avoir conscience. A en croire L'émergence des Créatifs culturels, près de 50 millions d'Américains partagent des idées que l'on qualifie d' ordinaire d'"alternatives". Voilà qui s'avère sacrément réconfortant. Voilà aussi qui permet de sortir du mythe, soigneusement entretenu par les militants professionnels, de l'éternelle minorité qui tente d' éveiller une majorité constituée d'abrutis avachis devant leurs télévisions. Au terme d'une enquête de treize ans menée auprès de près de 100 000 personnes, l'équipe dirigée par le sociologue Paul H. Ray et la psychologue .herry Ruth Anderson a identifié, au coeur de la société américaine, un courant culturel radicalement nouveau. Les chercheurs ont donné à cette population qui réprésenterait le quart environ des citoyens américains le nom de "Créatifs culturels". Un drôle de concept, qui sonne sans doute mieux dans sa langue d'origine, mais qui dit bien ce qu'il désigne : les "Créatifs culturels" créent au jour le jour, par leur manière de vivre, de penser, d'agir, une nouvelle culture, qui concilie le souci de l'écologie, le développement personnel et spirituel, le recours à une alimentation et une médecine saine, et des valeurs de tolérance et de respect. Un nouveau Gulf .tream Loin d'être «un ensemble éparpillé et sans cohérence de coeurs sensibles, de bons samaritains et de "moi d'abord"», les Créatifs culturels sont, d'après les chercheurs, «la manifestation d'une lente convergence de mouvements et de courants jusqu'alors distincts vers une profonde modification de notre société» : «C'est un peu comme si une centaine de rivières d'Amérique du Nord se jetaient dans l'Océan Atlantique. Chauffées par le soleil, elles créent un nouveau Gulf .tream qui s'étend jusqu'en Europe. A la surface, ce courant est presque invisible, parce que, contrairement aux rivières, il n'a pas de berges, pas de limites tangibles. En plein coeur de l'océan, au sein de ce courant, se développent des formes de vies tout à fait nouvelles. Il nous semble que c'est à peu près ce qui se passe actuellement dans notre société»: différentes influences sont en train de converger et cette convergence est à l'origine d'un grand changement général.» Le point de vue de Ray et d'Anderson est celui de chercheurs en sciences humaines - et ça change tout. Mettant délibérément de côté les soubresauts de l'actualité, les deux auteurs prennent de la hauteur. Leur démarche tranche volontairement avec la vision développée par les médias» : «Il n'est pas surprenant que la plupart des politiciens, historiens et commentateurs, notamment des médias, ne comprennent pas vraiment ce qui se passe.» En effet, ces témoins et acteurs ont l'oeil collé à l'événement et n'accorde aucune attention à son contexte. Un exemple pris dans l'actualité récente illustre cette myopie»: le sommet de Johannesburg a montré combien les chefs d'Etat du monde ont une vision courte de l'avenir. Mais il ne reflète certainement pas la sensibilité des opinions publiques, beaucoup plus préoccupées que leurs mandataires par l'avenir de la planète. Or, les multitudes qui habitent cette terre ont plus de pouvoir que Georges Bush. En raison de leur fonctionnement actuel, les médias ont les plus grandes peines du monde à adopter une approche transversale des problèmes. Ray et Anderson ont cette image amusante : «Comme Marlon Brando dans On the Waterfront (Sur les quais), les experts veulent savoir "qui sont les combattants du match ?"» Lorsqu'ils organisent un débat, les médias cherchent toujours à radicaliser les positions des uns et des autres pour mieux renvoyer dos à dos les points de vue. Englués dans une logique de confrontation, ils sont dès lors incapables de rendre compte de ceux qui sont force de proposition. Il y a fort à parier que, s'ils n'avaient jamais organisés de contre-sommets, les militants pour une autre mondialisation ne seraient jamais apparus sur nos écrans. D'ailleurs, quel média parle de ces militants et de leurs organisations en dehors des grands rendez-vous contestataires»? Une fausse marginalité Voilà pourquoi les «Créatifs culturels» n'apparaissent que très rarement dans les journaux et sont complètement ignorés des principaux acteurs de la vie publique. Deux autres grandes catégories sociales, selon Ray et Anderson, occupent le devant de la scène, dans une logique de confrontation. Les «Modernistes», en position dominante, agissent au nom du libéralisme et du progrès technologique et ne tiennent pas compte des répercussions que la course à la modernité peut avoir sur la planète. Ils ont «tendance à penser que la vie sociale et économique peut être résumée en chiffres»: recensement des populations et montants financiers. On discute des tendances de croissance dans toutes les publications, comme si celle-ci était ce qu 'il y a de plus fascinant et de plus réel dans la vie de tous les jours. Or, derrière ces discussions se cache un présupposé très fort, même si généralement il reste inavoué»: la société et ses structures ne changeront pas.» .'opposent à cette vision du monde les «Traditionnalistes» qui prônent un retour aux vieilles valeurs, à la tradition, aux habitudes et aux comportements du passé. Cette manière de diviser la population américaine offre une grille d'analyse convaincante des courants qui s'affrontent dans nos sociétés occidentales. Elle peut sembler caricaturale»; elle est, bien entendu, longuement étayée dans le livre. Même s'ils sont invisibles, les Créatifs culturels ne viennent pas de nulle part»; il ne s'agit en aucun cas d'une génération spontanée. Ray et Anderson se sont penchés sur l'histoire des mouvements sociaux des cinquante dernières années pour en découvrir les racines. Une démarche salutaire. En effet, «les Créatifs culturels, comme tous ceux qui ont un véritable intérêt pour les évolutions de la conscience, se retrouvent confrontés à une situation qui rappelle celle à laquelle des générations de femmes artistes et écrivains ont été confrontés. Personne n'ayant préservé l'héritage de ce que les femmes elles-mêmes écrivaient sur leur propre expérience, ce qu'elles avaient créé et pensé au cours des siècles, pour chaque nouvelle génération de femmes, ce fut comme si tout était à refaire, comme si rien d'important n' avait jamais été réalisé dans ce domaine. Des générations de femmes eurent à faire, à défaire et refaire encore la toile de leur compréhension du monde et d'elles-mêmes, à l'infini. Les Créatifs culturels aussi sont constamment obligés d'inventer et de réinventer les bases qui leur permettent de vivre comme ils l'entendent.» Prendre conscience qu'ils font partie d'une histoire leur permettra sans doute de ne pas répéter les erreurs de leurs aînés et donc d'avancer - en somme, de gagner une maturité. Ray et Anderson expliquent avec finesse la manière dont le mouvement féministe, le mouvement pacifiste et le mouvement de libération des Noirs se sont imposés dans les années 60 sur la scène politique et sociale et ont imposé sur le long terme une autre façon de voir les choses. En effet, contrairement à ce qu'on affirme souvent, ces mouvements subsistent, de manière souterraine. Il ne suffit pas de ne pas les voir pour croire qu'ils n'existent plus» : «On connaît le début de l'histoire, mais l'on pense que ces décennies de grands rêves sont bel et bien révolues, passées, et dépassée, puisqu'on ne voit désormais plus rien de la sorte à la télévision. On ne se rend pas du tout compte de tout ce qui s'est produit ensuite - comment des mouvements pionniers, et ceux qui ont suivi, ont changé et modelé les vies de ceux qui sont les Créatifs culturels d'aujourd'hui. Et ainsi, les Créatifs culturels eux-mêmes, finalement, ne savent même pas que c 'est en fait de là qu'ils viennent. Et comme tout peuple dépourvu d' histoire, ils s'imaginent être des marginaux, des étranges, des gens de l'extérieur, des "pas d'ici", comme les pièces d'un puzzle qui ne trouveraient pas leur place dans un ensemble qui a l'air tout à fait complet sans elles.» Découvrir ses propres solutions Nous pouvons avoir l'impression de vivre actuellement une période majeure de régression, alors que, sur le continent américain, le gouvernement Bush se montre particulièrement va-t-en-guerre et hostile à toute mesure pro-environnement, et que, sur le continent européen, l 'extrême-droite progresse de manière inquiétante dans les urnes. Une autre lecture (plus optimiste) des événements consiste à penser qu'il s'agit là de tentatives désespérées de la part des mouvements réactionnaires de reprendre le contrôle d'une situation qui leur échappe. En effet, certaines questions aussi importantes que le danger nucléaire, la place des femmes dans la société, le racisme ou la qualité de l'alimentation, hier marginales, méconnues de l'opinion politique, sont devenues des préoccupations largement partagées par l' ensemble des sociétés occidentales. «Un bon nombre des problèmes sociaux qui étaient tolérés ou tout simplement admis avant les années 60 sont devenus de nos jours tout bonnement inacceptables, confirment Ray et Anderson. (.) quel que soit votre âge, vous serez probablement surpris de voir ce que l'on considérait comme "normal" aussi récemment que dans les années 50 ou 60.» A l'appui de cette affirmation, les chercheurs proposent une liste de comportements passés. effectivement assez stupéfiante»! Il ne faut donc pas sous-estimer l'ampleur des changements : «Contrairement à ce que l'on croit généralement dans la branche politique, la branche culturelle a au moins autant d'impact sur l' ensemble de la société, si ce n'est plus. Le problème, c'est que les médias, le gouvernement, les entreprises et même les universitaires ont tendance à toujours encourager cette croyance qu'a la branche politique de sa propre importance. En réalité, la force de la branche culturelle, qui permet de briser les sorts jetés depuis des générations, s'exerce à des niveaux nettement plus souterrains, mais tout aussi efficaces.» Les mouvements sociaux ont réussi à changer la société parce qu'ils ne sont pas contentés de vouloir changer les réglements»; ils ont aussi cherché à comprendre ce qui se cachait derrière ces réglements. En prenant leur distance avec l'ordre établi, les mouvements sociaux ont compris que «quand on cherche à changer la culture du passé, on ne peut pas se contenter des solutions qu'elle propose. Il faut découvrir ses propres solutions ou les inventer.» En effet, «résoudre de nouveaux problèmes avec d'anciennes méthodes n'est généralement pas très approprié». «Il faut un certain génie pour réussir à nommer ce qui n'a pas de nom car si vous le faites avec sincérité et au bon moment, les millions de personnes qui jusqu'alors étaient totalement hypnotisées et stupéfiées par ce problème vont d'un seul coup se réveiller.» L'originalité et la force de Martin Luther King a été de casser le cadre traditionnel des revendications des Noirs américains en montrant à quel point la ségrégation raciale était contradictoire avec l'idée que les Etats-Unis se faisaient d'eux-mêmes. Il a ainsi pu rallier à sa cause une partie de l'opinion américaine. De même, le mouvement féministe a su interroger la société toute entière et remettre en cause les schémas culturels établis. Choisir son camp Le mouvement féministe impose à chacun de s'interroger sur sa manière de vivre son couple, parce que «le privé est politique». Comme le dit le chanteur et poète Julos Beaucarne (qu'on identifie sans hésiter comme un Créatif culturel)»: «Le militantisme est important. La déviation du militantisme, c'est d'aller à une manif pour la paix, et puis tu rentres chez toi, le bébé pleure, tu lui donnes une gifle...» L'un des héritages les plus importants des mouvements sociaux des années 60, c'est l'idée qu'en militant pour les autres, on milite aussi pour soi - et qu'on ne peut exiger des autres ce qu'on n'exige pas de soi-même. Les Créatifs culturels décrits par Ray et Anderson portent la même attention au monde qu'à eux-mêmes. Ils n'ont pas l'impression de perdre leur temps lorsqu'ils cherchent à améliorer leur manière de vivre, à parfaire leur équilibre intérieur. L'équilibre global est le reflet de l'équilibre personnel»; à l'inverse, quand la planète va mal, l'homme souffre. Dans un texte consacré aux manifestations québécoises d'avril 2001, l'activiste américaine .tarhawk témoigne de ce rapport inquiet entre l'intime et l'univers : «Dans la beauté des bois, dans la paix du matin lorsque je m'assieds dehors et écoute les chants d'oiseaux, en chaque lieu qui devrait donner un sentiment de sécurité, je sens le courant qui nous mène vers une chute irrévocable, une catastrophe écologique/économique/sociale de dimension épique.» Se battre pour la bonne santé de la terre nourricière, c'est aussi se battre pour sa sérénité intérieure. En somme, tout est dans tout. Il s 'agit, au sens premier du terme, d'une vision profondément religieuse du monde»: «C'est là un aspect de ce que les Créatifs Culturels recherchent, écrivent Ray et Anderson»: une façon de se rappeler qu' ils ne sont pas seuls, une manière de tisser de nouveaux modèles, de nouvelles figures dans le grand tissu social, tisser des lignes de vie qui relient les générations entre elles.» L'imaginaire se voit assigné une fonction mythique que sa dilution dans le divertissement tend à faire oublier. Se changer soi-même Les Créatifs culturels espèrent voir naître ce que Julos Beaucarne nomme joliment «un monde télépathiquement épatant»»: «On est tous de la même matière que l'univers, affirme le poète. On choisit ce qu'on écoute, ce qu'on mange, on est ce qu'on mange, on choisit son camp, on choisit des musiques diaboliques ou des musiques qui nous construisent. Choisir son camp, c'est d'abord peut-être un grand principe : il y a une loi, qui n'en est pas une, c'est qu'il y a le positif et le négatif. Dans tout ce qui flotte autour de nous, il y a beaucoup de choses négatives qui peuvent entrer dans notre peau (.) Parce que le psychisme est terriblement puissant. On envoie des pensées tout le temps dans l'espace. On peut envoyer des pensées négatives, sur quelqu'un par exemple, il peut se casser la pipe en descendant l'escalier parce qu'il est fatigué ce jour là. On peut envoyer de l'amour aussi. C'est là où on choisit son camp.» Cette manière de voir le monde est souvent caricaturée sous le terme New Age. Il est facile de se moquer de ces gens qui passent leur temps sur un tapis de yoga en mangeant de la nourriture végétalienne au son d'une musique relaxante»; «il est facile de s'arrêter uniquement aux excès de la vulgarisation, la spiritualité "syncrétique" et la psychologie de comptoir dont certains médias adorent se gausser. Mais confondre ainsi la surface du mouvement et sa substance profonde est une erreur. (.) il est nécessaire de bien faire la différence entre la masse croissante de ceux qui sont à la recherche de nouvelles sensations, d'un parfum nouveau pour leur vie ou de quelque chose d' authentique d'une part, et d'autre part les adeptes de longue date qui ont appris petit à petit à vivre une vie "authentique", à transformer leur vie en profondeur en fonction de ce qu'ils ont appris.» En effet, «on peut se mettre à de nouvelles idées, s'initier à de nouvelles techniques ou se trouver un nouveau hobby en quelques semaines, mais il faut des années, voire des décennies pour se changer soi-même.» L'articulation entre l'activisme social et la recherche d'un équilibre intérieur, évidente pour tous les Créatifs culturels présentés dans le livre, n'a pas toujours été évidente. Paradoxalement, dans les années 60 et 70, il fallait choisir, établir un ordre de priorité»: «Tandis que les militants politiques manifestaient contre la bombe, les hippies gobaient des acides, résument Ray et Anderson. Tandis que des étudiants faisaient des sit-in devant des restaurants racistes du .ud, d'autres écoutaient sagement les enseignements du zen. Et tandis que des femmes se rassemblaient en groupes de prise de conscience, d' autres apprenaient les techniques des médecines douces ou les massages traditionnels. Tout au long des années 60 et 70, les explorateurs de la conscience et les activistes sociopolitiques donnent l'impression de deux pôles opposés. Et bien qu'il y eut quelques altercations, dans l'ensemble ils s'ignoraient plutôt les uns les autres. Chaque mouvement se voyait comme l'apothéose de ce qui était essentiel dans la vie». "Je ne veux pas être Spartacus" Bon, il ne faut quand même pas rêver»: les militants-militaires, qui oublient de vivre pour mieux sauver le monde, existent toujours. Le journaliste tunisien Taoufik Ben Brick décrit «ces militants professionnels, qui triment pour la bonne cause avec une allure grave, et qui ont une sorte de mépris pour tout ce qui ne leur ressemble pas»»: «Ils veulent que ta subjectivité rentre dans leur moule. Il y a finalement chez ces gens-là un côté conservateur, conformiste»: selon eux, on n'a pas le droit d'aimer la nuit, d'aller voir du côté des petites choses de la vie. Pourquoi y a-t-il un militantisme puritain, ascétique, merdique»? Est-ce qu'il faut forcément avoir été bouffé par la vie de chien que l'on nous a fait mener»? Ce sont des gens qui ont oublié les valeurs du poète»! La liberté, il faut l'arracher chaque jour de la vie.» Ben Brick incarne, par sa verve, son ironie, sa poésie, un autre idéal de militance»: «Je ne veux pas être .partacus. Je ne veux pas être un porte-parole. Je veux être un troubadour. Je suis libre, de la liberté violente de celui qui s'enivre. On m'accuse d'être excessif, mais je ne peux qu'être excessif. Cette liberté peut me nuire, mais je me régale. Je veux que ma parole soit du côté de la vie contre l'ordre, qui est une folie.» (Charlie Hebdo, 22/11/2000) A l'image de Ben Brick, les Créatifs culturels refusent de sacrifier la complexité de la vie au nom d'un idéal politique pur et peut-être inaccessible. Ils n'attendent pas la révolution demain, ils la font aujourd'hui. A la différence de ces anars qui annônent les oeuvres complètes de Bakounine en attendant l'Insurrection qui a encore raté le train, les Créatifs culturels mènent une insurrection personnelle jour après jour. Leur combat, c'est des petits riens, mais ces petits riens changent leur vie, la vie de leurs proches, et par extension la vie du monde entier»; moins spectaculaires que les révolutionnaires professionnels, ces nouveaux militants ont remplacé la rhétorique par l'action. Dès lors, les revendications ne sont plus les mêmes. Exit le culte de la Révolution qui a fait tant de ravages - qu'elle ait eu lieu et débouché sur l'improbable dictature du prolétariat ou qu'elle soit toujours reportée aux lendemains qui n'en finissent plus de chanter. Adieu, les mirages, maintenant il s'agit de se coltiner au réel. La révolution devient quotidienne. Exit les ennemis du peuple ou du parti, il n'y a pas besoin d'ennemi tout-puissant pour éprouver sa propre puissance. Que vive la «rêvolution»»! Do or die Les Créatifs culturels se définissent d'abord par ce pour quoi ils militent»: «les bases de l'identité collective se sont déplacées, écrivent Ray et Anderson, glissant de la "contestation" vers une vision plus positive et volontariste des choses, de l'activisme et de l'avenir. Il a fallu presque deux décennies pour que les mouvements "contre la guerre" deviennent des mouvements "pour la paix", ou pour que les mouvements féministes finissent par se détacher des accusations et de la haine systématiques envers les hommes pour mieux se (re)définir de façon affirmative, en fonction de ce pour quoi elles étaient.» Il s'agit d'inventer une nouvelle manière de vivre. Le terme, archi-usé, d'alternative reprend ici tout son sens. L'utopie devient enfin concrète. D'après Ray et Anderson, la terre vit une époque de transition. Plusieurs scénarios sont possibles, qui vont de la destruction pure et simple de la planète (si le modernisme libéral continue à faire des ravages) à la mise en oeuvre d'une nouvelle culture soucieuse de ce qu 'elle laissera en héritage «à la septième génération à venir». Tout peut arriver, expliquent les chercheurs»; il est probable d'ailleurs que les prochaines années voient l'humanité osciller entre ces deux scénarios extrêmes. Comme le disait Martin Luther King»: «Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères ou périr ensemble comme des idiots». En anglais, une expression lapidaire résume le choix qui se présente à nous»: «do or die», agis ou meurs. Or, estiment les auteurs, si les Créatifs culturels ne prennent pas conscience de leur force, s'ils ne se comptent pas, s'ils sous-estiment leur influence, s'ils ne comprennent pas qu'ils sont en mesure de faire évoluer la manière de voir le monde de ceux qui les entourent, le scénario le plus pessimiste risque de se vérifier. «Ce qu'il faut, concluent les chercheurs américains, abandonnant le ton du constat, c'est que chacun d'entre nous, avec ses qualifications particulières, ses savoirs et sa sagesse les plus précieux, sa curiosité, son empathie et son intelligence, s'implique. (.) Le nouveau discours qui se met en place, la nouvelle histoire que nous sommes en train d'écrire demandent des dizaines de milliers de conteurs, et deux fois plus encore de personnes qui s'en inspirent. (.) On peut dès maintenant se mettre à imaginer une culture qui ait suffisamment de sagesse pour réussir à trouver son chemin et effectuer cette traversée jusqu'au bout, et réfléchir au rôle que nous voulons jouer dans ce processus. Ce n'est que le premier pas.» Dans un texte écrit peu après les attentats contre les Etats-Unis, Starhawk annonce»: «Il est possible que la chose la plus radicale que nous puissions faire en ce moment est d'agir à partir de notre vision, et non à partir de la peur, et de croire en la possibilité de sa réalisation. Toutes les forces autour de nous nous poussent à baisser le rideau, à nous isoler, à faire retraite. Au lieu de cela, il nous faut avancer, mais de manière différente. Nous sommes appelé(e)s à faire un saut dans l'inconnu.» .ylvain Marcelli source: http://www.onnouscachetout.com/themes/societe/creatifs-culturels.php L'émergence des Créatifs culturels, enquête sur les acteurs d'un changement de société, Paul H. Ray, .herry Ruth Anderson, éditions Yves Michel, 2001 (publication aux Etats-Unis : 2000).
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aime mât nue aile (Membre)
2003-10-28 19:32 |
Inscrit: Dec 03, 2002 Messages: 248
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Voici un texte que je viens tout juste de lire,et il m'a semblé intéressant de vous en proposer la lecture. C'est tiré du courriel d'information d'ATTAC (http://attac.org/indexfr). Bonne fin de journée ______________________________ 3- Les humains en trop ____________________________________________________ Par Miguel Benasayag, Mathurin Bolze, Sylvie Blum , Carmen Castillo, Mary Chebbah, Jean-Baptiste Eyraud, Valérie Lang, Maguy Marin, Stanislas Nordey, Julie Paratian, François Tanguy, François Verret Déclaration du collectif 53 L'été 2003 restera longtemps dans la mémoire collective. Notre société se comporte comme s'il y avait « des humains en trop », des surnuméraires. Nous sommes à notre manière de ceux-là. Nous, les surnuméraires de l'art et de la culture, nous nous adressons aux autres surnuméraires, ceux qui le sont déjà ou ceux en voie de le devenir. Chez les surnuméraires, nous sommes parmi les plus « inutiles » de tous. Parce que nous ne servons à personne, sinon à tout le monde, nous vous parlons. Nous sommes peut-être votre miroir. Parmi nous, bien sûr, il y a des différences. Nous sommes nombreux. Certains plus protégés que d'autres. Il y a des contradictions, des désaccords. On voudrait nous opposer, peut-être même nous opposer à vous, les autres surnuméraires. On nous parle de rationalité, d'économie, de crise, mais à la fin de tous ces discours, on se trouve toujours avec la même conclusion : il y a des humains en trop. Alors, on licencie, on expulse, on surveille, on emprisonne, on crée la méfiance. L'autre, le « pas moi », l'autre, n'est plus ni parfum, ni musique, il est devenu le bruit et l'odeur. C'est la guerre des pauvres entre eux, et la solidarité est criminalisée. Tout ça au nom de la rationalité, mais de quelle rationalité ? Les villes que la rationalité comptable a construites, sont propres, fonctionnelles, sauf que personne ne veut y habiter, car la vie n'y est plus. On doit se contenter de survivre, et encore, sans faire de bruit, sans déranger, et sous haute surveillance. Chaque plan quinquennal soviétique était irréprochable, sauf qu'il avait comme conséquence la mort de millions de paysans. La vie dans les plans est parfaite, à ceci près qu'elle y disparaît. Aujourd'hui, il n'y a plus de « soviétiques », c'est au nom du réalisme, de la loi du marché, que l'on marche au pas, et s'il n'y a plus de commissaires politiques, c'est parce que chacun de nous l'est devenu un peu. Notre système a réussi à implanter un mirador dans chaque tête. Les lois de l'économie, nos nouveaux dieux, exigent le sacrifice des inutiles, le salut exclusif pour ce qui est utile, mais utile pour qui ? Ce qui est utile pour la rationalité économique, ne coïncide pas toujours avec la vie. Voyez cet homme, contaminé par la logique utilitariste, qui voulait éduquer un âne à vivre sans manger. Il lui donnait à manger un jour sur deux, puis un jour sur trois et ainsi de suite. Pas de chance, quand celui-ci eut vraiment appris à vivre sans manger, il est mort. Ou encore, ces nourrissons bien alimentés et bien propres, mais privés de l'attention et de la tendresse des infirmières, qui mourraient quand même. On ne comprenait pas. Ils avaient, certes, ce qui d'un point de vue simpliste est considéré comme utile, ce qui satisfait les besoins primaires, mais juste assez pour survivre, pas assez pour vivre. De la même façon, plan après plan, la vie disparaît à la plus grande surprise de ceux qui veulent simplement, disent-ils, nous épargner « l 'inutile », simplement dégraisser la machine. Car c'est quand le pouvoir commence à dicter ce qui « est utile » et ce qui est « inutile », que la vie même est en danger. Nous sommes montrés du doigt accusateur par les maîtres « vous n'êtes pas utiles, pas assez rentables, il faut rationaliser tout ça » et ils cherchent la complicité des autres secteurs de la société. « Regardez, regardez . ils veulent faire du théâtre, de la danse, des films, de la musique . alors que c'est la crise, vous êtes bien d' accord avec nous, c'est un scandale ! » Mais hier, ils disaient . « Regardez, regardez, ils sont vieux, et ils vivent « trop » longtemps, vous n'allez quand même pas payer pour eux ! » Sans oublier, quand ils disent, « Regardez, regardez. Ils ne sont pas de chez nous Ils n'ont pas de maison Ils ne produisent pas de bénéfices Ils sont handicapés, ils nous coûtent très cher Ils sont en taule, et ils veulent des droits Ils veulent une école qui ne soit pas soumise aux entreprises Ils.ils ..ils. » Et à chaque fois, le conditionnement avance en créant des désaccords entre les victimes, des complicités avec les maîtres. Ils vous disent encore : «Mais, vous qui n'est pas comme eux, vous êtes Français.vous avez un travail.vous êtes blanc.vous êtes jeune..vous êtes .. ». Et l'autre n' est plus seulement le bruit et l'odeur, mais « l'insécurité ». Celui qui peut vous piquer votre boulot, votre maison, votre mobylette . votre rien. Rationaliser veut dire gommer les différences, supprimer les diversités peu « rentables ». La dérive économique projette par exemple d'éliminer la biodiversité : un monde bien rangé, bien discipliné, n'aurait pas besoin de tant d'espèces. Mais qui peut vraiment savoir ce qu'impliquera la disparition d'ici 50 ans de la moitié des espèces vivantes ? Personne. Ces espèces n'existent pas dans des mondes clos, dans des mondes étanches, et leur disparition ne manquerait donc pas de nous emporter en bonne partie. Le monde réel, n'en déplaise aux économistes, est très « mélangé », il relève d'une constellation indissociable, ou au moins non amputable en toute impunité pour ceux qui restent. La biodiversité, c'est aussi les métèques, les sans papiers, virés, eux aussi. Mais s'ils nous laissent « entre nous », si nous les laissons partir . nous perdons à jamais une partie de nous-mêmes. A chaque fois, que l'(ir)rationnel économique » élimine un secteur de la société, ceux qui restent, ne restent jamais « entiers », le problème de l'exclusion est, avant et surtout, qu'elle rend malade de mort la société qui exclut. En fait de « rationalité » économique, il s'agit en effet d'une véritable irrationalité fondée sur une croyance aveugle en la toute puissance de la logique utilitariste. Mais rien n' est maîtrisé. Ses résultats sont hasardeux, voire désastreux pour la vie. Rationaliser veut dire . faire table rase des problèmes. Seul petit inconvénient, les « problèmes » pour notre société, ce sont les corps, les humains. Dégraisser, délocaliser, programmer . difficile d'être plus raisonnable, plus rationnel, ils veulent juste « enlever l' inutile » . Mais l'inutile des marchands est le fondement de la vie pour nous. Et si l'on continue à enlever l'inutile selon la logique néolibérale, la vie même est en danger. La vie est inutile, le sens de la vie est immanent. Nous sommes ceux qui rappellent une chose très simple à la société : nous ne savons pas pourquoi nous nous levons le matin, pourquoi nous aimons, pourquoi . nous vivons. TChong Tse écrivait : « Tout le monde connaît l'utilité de l'utile mais personne ne connaît l'utilité de l'inutile ». L'inutile, c'est la vie, c'est l'art, c'est l'amitié, c'est l'amour, c 'est ce que nous cherchons au quotidien comme fondement de tout ce qui, de surcroît, est vraiment utile, tout ce qui a vraiment de la valeur. Nous, les surnuméraires de l'art, nous sommes ce rappel quotidien et insupportable pour le pouvoir du « non sens » de la vie, fondateur de tout sens. Les Indiens disent aux pouvoirs qui les écrasent : « Vous ne pouvez rien nous offrir, car nous sommes déjà morts ». Ils entendent par là que pour eux, une survie, où l'on désire ce que le maître peut nous offrir, c'est une mort. Pourtant, comme eux, nous réclamons des droits, comme eux, nous défendons des acquis, car pour eux comme pour nous, droits et acquis ne sont pas des possessions du maître, c'est ce qui nous appartient. Le « nous sommes déjà morts » est paradoxalement un chant à la vie, car il affirme tout simplement « Tu ne m'auras pas comme complice . ce que tu m'offres en échange de ma survie ne mérite pas que je laisse tomber l'autre. Bien sûr, toi, tu crois que je devrais être content et dire merci, parce que n'est pas encore venu le temps que pleuvent les coups sur moi. » Eh bien non. Que personne ne se trompe, il ne s'agit pas aujourd'hui de revendications sectorielles, de querelles de clocher, car ce qui est en jeu, c'est la résistance à un modèle de société, à un modèle de discipline, à un mode d'oppression, à la vie devenue tristesse. La production capitaliste est diffuse et inégale. C'est pour cela que la lutte, la résistance doivent être multiples mais aussi solidaires. Il n'y a pas de libération individuelle ou sectorielle. La liberté ne se conjugue qu'en termes universels, ou, dit autrement : ma liberté ne s'arrête pas là où commence celle de l'autre, mais ma liberté n'existe que sous la condition de la liberté de l'autre. Aujourd'hui nous sommes tous face à un choix de société, non pas à un choix abstrait, lointain, mais à un choix qui implique la façon dont nous allons continuer à vivre très concrètement. Nous ne parlons pas de sociétés idéales, ou de modèles politiques à suivre, mais de formes concrètes de vie, dans le seul monde possible qui est celui-ci. Soit nous désirons à vide et de façon velléitaire un « autre monde », et nous subissons la voie de l'utilitarisme. Soit nous assumons ce monde qui est le nôtre aujourd'hui, ici et maintenant, celui où le corps, des corps commencent à se mettre en mouvement. Autant dire, soit nous nous contentons de la survie disciplinaire, de la tristesse, soit nous résistons et construisons la vie, joyeuse et multiple, donc solidaire. Nous, nous ne voulons pas que la vie ait comme sens unique celui de l' utilitarisme. Celui où tout sert à quelque chose, où il y a toujours un but, une fonction pré-établie. Car dans le « sens unique », il ne reste plus de temps pour réfléchir, pour questionner.nous sombrons alors dans la société de l'urgence, de toutes les urgences. Et, l'urgence est la meilleure façon de discipliner les gens. « Nous sommes d'accord, disent les maîtres, bien sûr, mais plus tard, plus tard » C'est plus tard pour la vie. C'est plus tard pour la dignité. C'est toujours plus tard pour la solidarité. Pour le moment, c'est l'urgence, et ils adorent ça, nos maîtres, les temps d'urgence, « Branle bas de combat . et je ne veux plus voir qu' une seule tête ». Et ces artistes qui questionnent sans cesse le sens de la vie ! Mais quelle drôle d'idée ! On se contenterait bien de les voir faire un peu de cirque pour amuser les gens, et l'économie, bien sûr, dirigerait aussi le cirque et les clowns deviendraient des fous du roi. Les maîtres ne se trompent pas. Notre choix de vie implique un choix de société : celle qui ne veut pas seulement éduquer utile, penser utile, armer les enfants pour l'avenir, gérer efficace, aller vite, produire plus. Une société où la pensée, la poésie, la philosophie, la rêverie ne sont pas considérées comme hors programme. Où la notion de gratuité du temps, de l'échange, sont à nouveau une évidence. Et si nous refusons l'utilitarisme, ce n'est pas parce qu'il représente un modèle de vie qui nous déplaît, mais c'est au nom de la vie elle-même . Cela fait-il de nous des gens ridicules? Oui, mais aux yeux d'un pouvoir qui se cache derrière le « sérieux gestionnaire ». Et ce sérieux-là, justement, nous ne le trouvons pas très sérieux. Attention, ils nous désignent comme des surnuméraires, et pour beaucoup de gens, tomber sous cette désignation-là, revient aujourd' hui, à une condamnation grave : chômage, arrêt de soins, fin de droits, expulsion, isolement, mort. Alors, plutôt que d'essayer de nier, nous disons, oui nous sommes des surnuméraires, mais seulement dans VOTRE modèle de société et même si votre modèle est aujourd'hui dominant, la vie, elle, continue, à travers la création, la solidarité, la pensée, la résistance. Nous parlons pour les « surnuméraires » qui sont partis cet été. Une société qui est capable de laisser mourir ses « inutiles », ses « vieux », est une société qui n'a plus d'histoire, qui n'a plus de dignité, car les ancêtres ont pour toujours disparu, en laissant la place à cette nouvelle catégorie de l'économie, le troisième âge. A cette société-là, qui cache ses faibles, qui oublie ses vieux, qui expulse les handicapés derrière des murs pour oublier sa fragilité, c' est-à-dire la condition humaine, à cette société-là, nous, qui nous déclarons et nous revendiquons « surnuméraires », nous lui disons que la résistance est devenue la seule forme de vie qui nous semble encore digne d'être vécue. Nous n'avons pas, pour contester, pour résister, à nous déguiser en ministres alternatifs, nous n'avons pas à singer les gestes du pouvoir. Le sérieux ne réside pas dans les formes, mais dans le désir et la construction de la solidarité, ici et maintenant. Nous comprenons en revanche très bien le message des maîtres : « Tente de te sauver seul, prends la place de celui qui vient d'être viré ». Pour nous, la seule idée de se « sauver seuls » est l'image de se perdre à jamais. Ceux qui nous comprennent, comme nous, désirent la vie. Ceux qui disent ne pas nous comprendre, en réalité ont déjà choisi leur camp, celui de la survie. Le choix n'est pas entre être fort ou être faible, car la réalité la plus profonde de la vie est que nous sommes une constellation où tout est nécessaire, et c'est cela que nous nommons fragilité. Nous sommes ceux qui rappellent cette fragilité-là. Nous ne voulons ni plus de force ni nous extraire tous seuls de la faiblesse. Nous déclarons du fond de notre « rien du tout » qu'au delà de la force et de la faiblesse, existe cette fragilité, tout simplement la vie. Nous sommes des surnuméraires entourés d'autres surnuméraires déjà disparus, en danger, ou de futurs surnuméraires, surnuméraires sans passé, sans avenir. Aujourd'hui, on crie haro sur le désir. On nous dit que nous sommes les fainéants qui veulent une vie dans le désir, l'art, la pensée, pendant que, eux, « sérieusement » veulent et imposent une vie disciplinée par la finance. La seule vie sérieuse serait la vie qui, en tournant le dos au désir, se disciplinerait aux besoins. Besoins, normés, créés, énoncés par le pouvoir économique. Et ils nous invitent à prendre la place de « fonctionnaires de la culture » dans leur société. Nous, nous vous disons, que c'est vrai, nous sommes désirants. Car, tout changement social doit commencer par une exploration et le déploiement de nouvelles et plus puissantes formes de désirer. L' histoire nous l'a appris, ceci n'est pas faisable depuis un pouvoir central. L'art répond à la nécessité naturelle de vivre et de se développer dans la multidimensionalité des situations, c'est pourquoi, aujourd' hui, depuis l'art, on peut résister au formatage unidimensionnel de la vie. L'espace, les espaces de l'art, ont toujours été ces espaces publics, ces véritables laboratoires sociaux, où les gens expérimentent, d' autres dimensions, d'autres « esthétiques de vie ». Ce monde unifié, qui est un monde devenu marchandise, s'oppose à la multiplicité, aux infinies dimensions du désir, de l'imagination et de la création. Et il s'oppose fondamentalement à la justice (.) Résister, c'est créer et développer des contre-pouvoirs et des contre-cultures. La création artistique n'est pas un luxe des hommes, c'est une nécessité vitale dont la grande majorité se trouve pourtant privée. Dans la société de la tristesse, l'art a été séparé de la vie et, même, l'art est de plus en plus séparé de l'art lui-même, possédé, gangrené qu'il est par les valeurs marchandes. Nous, les surnuméraires de l'art, nous luttons donc, pour que la création dépasse la tristesse, c'est-à-dire la séparation, pour que la création puisse se libérer de la logique de l'argent et qu'elle retrouve sa place au cour de la vie. Les maîtres nous veulent séparés, ils ont besoin de notre tristesse, de notre peur, et ils veulent ainsi garder un art pour les élites, et un « sous-art » pour les autres, encore une séparation que nous refusons. Peu à peu, nos sociétés de la tristesse et de la discipline ont construit un quotidien dans lequel la seule chose qui importe est le bénéfice, le bénéfice économique. Ainsi, tout travail, toute activité, n'a plus que ce seul objectif : le profit. Produire des marchandises, et le travail réel que cela implique, devient pénible, trop long, pas assez efficace. L'argent de la spéculation «crée» une autre circulation monétaire où l'argent même n' a plus d'existence, argent virtuel, travail virtuel, vie virtuelle. Les corps que, bien entendu, on continue à utiliser pour surproduire, seront dorénavant cachés, délocalisés, sans lieu. A la surproduction de l'irrationnel néolibéral correspond la misère de celui qui la produit. Pour nous, l'objectif du travail, continue naïvement à être la création. Nous sommes en ce sens-là, des «archaïsmes » pour le système. Mais, quand nous parlons des conditions de la création artistique, ils n'entendent que des questions d'argent. Or, leur projet n'est pas de faire des économies ou de corriger des disfonctionnements techniques de statut, mais de discipliner le milieu de l'art. De l'argent pour les productions normalisées, il n'en manque jamais. Nous, nous disons qu'ils s'attaquent au fondement de notre travail : le lien social, qui est la condition sine qua non de la création artistique. Nous parlons ici d'une tendance du pouvoir utilitariste et disciplinaire qui a comme conséquence la dissolution du lien social, la destruction des synapses du corps social qui garantissent que ce qui fait mal à l'autre me fait mal aussi. Ce sont ces liens de solidarité, ces liens sociaux qu'ils attaquent à travers nous. Les conditions d'existence de l'art. Des conditions d'existence tout court Nous soutenons que les conditions d'existence de l'art sont les mêmes que les conditions d'existence de la vie. On ne peut impunément dégraisser, rationaliser, discipliner l'art, sans lui faire perdre sa signification, son devenir, son existence. On ne peut pas dire : les vraiment forts en art s'en sortiront. Outre le malthusianisme grossier de ces propos, ils sont faux. La question de « l'excellence dans l'art », est une question piège. D' abord, le critère d'excellence est précisément ce que les contemporains ne peuvent pas définir. Et puis une fois encore, on ne voudrait garder que les «bons» travailleurs, les «bons» Français, vous voyez bien, ils sont gentils, ils ne veulent virer que l'inutile. Bien sûr... pour sauver l'art . Mais, il existe des conditions quasi biologiques de l'existence de l' art. On ne peut pas détacher une filière d'un corps pour dire : c'est celui-là qui m'intéresse. Car le corps est complexe. Il est impossible de dire à l'avance d'où va sortir l'art, impossible de savoir à l' avance si tel élément du soubassement ne va pas donner quelque chose de fort. L'ouvre d'art émerge d'un certain chaos. Sans moment chaotique, sans soubassement multiple et contradictoire, pas d'émergence. Et le bouillon de culture n'est ni quantifiable, ni qualifiable. Ce qui, du point de vue de la rationalité économique est perte de temps (et le temps c'est de l'argent), n'est ni plus ni moins que l' existence toujours multiple, de contradictions, de dissensions, bref, de ce qui ne peut être mis au pas. Toute mise en forme par voie unique est une mise en norme disciplinaire. L'activité artistique participe à la création de nouveaux possibles, de nouvelles dimensions de la vie. Mais, dans le champ de l'art, se jouent bien entendu, des conflits centraux pour toute société, car c'est dans ces dimensions multiples que de nouvelles formes esthétiques, de nouvelles formes d'être commencent à s'exprimer. Nous constatons qu'il n'y a pas de progrès pour la justice sociale sans développement de cet espace de pensée et de recherche collective qu'est la multitude d'activités artistiques, et vice versa. Paradoxalement, l'art ne peut s'identifier au spectacle dans une société où les gens regardent passivement le spectacle de leurs vies. L'art, en effet, n'a pas pour vocation d'être un divertissement spectaculaire, car il ne crée pas la séparation de tout un chacun avec sa propre vie. Notre travail n'est pas de divertir pendant que la répression avance. Bien au contraire, l'art est ce qui, à travers la subjectivité, nous permet l'accès au concret, au réel. Dans la vie devenue spectacle, les hommes et les femmes devenus spectateurs de leurs propres vies, s' opposent à l'art, car l'art, la création artistique construisent du concret. Du spectacle non spectaculaire, de la présence, non de la représentation. Dans la société disciplinaire, il n'y a plus de corps, il n'y a que des chiffres, des bonnes ou des mauvaises affaires, la vie devient peu à peu virtuelle. Spectateurs passifs de la vie, nous n'avons que de « lointaines nouvelles » de nous-mêmes, à travers des informations mises en spectacle. Nous désirons avant tout et surtout développer le concret de la vie, contre sa virtualisation marchande. Pour nous, le but n'est pas le profit ; ce que nous produisons, fait partie de nous, ce n'est pas un alibi pour gagner de l'argent. Si le prolétaire est celui qui est séparé du produit qu'il fabrique, du produit réduit à une monnaie d'échange, aujourd'hui quand tout le monde parle (à la légère) de la fin du prolétariat, nous assistons en fait à la prolétarisation, à la précarisation de l'ensemble de la société. Nous, les artistes, nous sommes encore les représentants d'un monde où ce " produit " est un objectif en soi, où la valeur d'usage est au moins aussi importante, sinon plus, que la valeur d'échange. En ce sens, nous formons une des lignes de résistance au néolibéralisme financier. On ne cherche pas à gagner en bourse, on veut que notre travail corresponde à une valeur d'usage. Notre travail n'est pas virtuel. La société est plus virtuelle que nous quand la vie devient un compte en banque. Les pouvoirs économiques veulent gagner du temps, alors, tout moment doit être, un moment productif et productif veut dire visible, donc comptable. Ainsi, ils nous appellent, en tout cas, pour certains d'entre nous, des « intermittents ». Mais notre travail n'est pas intermittent. Chez tout artiste, il y a continuité. On est visible par intermittence, mais vivant et productif en permanence. Tout le travail qui n'apparaît pas, les films non faits, les pièces non montées sont essentiels. Nos sociétés sont moribondes du rationalisme panoptique qui ne prend en compte que le visible, sociétés dans lesquelles tu n'es plus payé pour ton travail, mais pour ton temps de travail. Il s'agit de ne pas seulement être « force de travail », mais que le produit continue à être notre objectif, pour éviter la séparation entre nos vies et ce qu'elles construisent. On entend beaucoup parler d'exclus, or le secret de cette société c' est que personne n'est exclus. L'ascenseur social fonctionne plus que jamais, mais en descendant. On fait croire à des secteurs entiers de la population qu'ils sont exclus pour qu'ils attendent sagement la possibilité d'accéder à des strapontins imaginaires. Nous sommes déjà tous inclus, inclus à des places différentes, certaines confortables, certaines précaires. Il n'y a pas de pays en voie de développement, comme il n'y a pas de minorités en voie d'intégration, tout est à sa place dans cette société -là. Le modèle de société n'est pas extensible, toute attente de « développement », d'intégration est une manière de nous discipliner dans l'attente, et toute attente est. « en attendant Gödot ». L'exclusion est la menace permanente dans laquelle nous vivons. Elle est devenue une atmosphère tellement « normale », nous sommes tellement habitués à cette crainte, qu'on oublie que d'autres sociétés ont existé et existent toujours sans logique d'exclusion. D'autres sociétés, c'est-à-dire pas uniquement celles du passé ou de l 'ailleurs, mais simplement d'autres formes sociales au sein même de nos sociétés complexes et multiples existent déjà, comme minorités en lutte. Il ne s'agit pas de discourir dans le vide sur le souhait de tout changer, mais d'arrêter d'être velléitaires, arrêter de souhaiter des tables rases, pour nous lancer dans construction du nouveau « ici et maintenant ». Rester au niveau du souhait éloigne de la justice. La justice et la solidarité n'existent que dans des actes concrets de justice et de solidarité. Ce qui est menacé est très clairement ce qui menace le développement de la raison économique, c'est-à-dire le lien social. Le lien social est en effet trop opaque pour les maîtres, le lien social n'est pas assez « économique ». Résister c'est très concrètement créer du lien social. Nous produisons, certes de l'inutile, mais en quoi des millions de voitures, des millions d'objets seraient, eux, plus « utiles » ? Nous savons bien qu'il existe un autre type « d'inutile », mais cette fois c'est de l'inutile dangereux, ce sont tous les produits de la surproduction néolibérale qui ont comme seule raison d'être leur vente ou leur destruction pure et simple. L'inutile que nous créons, construit du lien social. Voilà simplement pourquoi nous sommes gênants. Dans le corps social, les corps ne sont pas tous attaqués de la même manière, ni au même moment, mais de ces différences réelles les maîtres essaient d'user pour nous dominer. Nous vous invitons donc à ne pas céder à ce chant des sirènes qui vous propose de devenir bourreaux en attendant d'être les prochaines victimes. Mauvaise nouvelle . nous sommes toujours là ! Le pouvoir essaie de nous faire croire que l'on ne pourrait plus se permettre le luxe de vivre de vraies vies, que nous devrions nous résigner à la survie disciplinaire. Ce qui nous est présenté comme « sagesse », est une véritable folie. Nous contestons parce que c'est contestable de vivre une survie. Soyons sérieux, c'est-à-dire arrêtons de nous prendre au sérieux, créons de véritables lignes de résistance, la joie contre leur tristesse, la solidarité contre leur discours sécuritaire, la création contre leur destruction de la vie. Leur faiblesse réside dans le fait que nous ne désirions pas comme eux, que nous ne voulions pas être à leur place. Oui, nous désirons autrement, ou peut-être, nous désirons tout court. Ni leaders, ni partis, ni programmes, ni modèles, une infinité de lignes de résistance, sans commissaires politiques, ni bonne ligne à suivre. Nous ne nous adressons pas aux pouvoirs. Les pouvoirs, s'ils sont démocratiques doivent refléter l'état de la vie réelle de la société. S'ils ne le sont pas, c'est également par le développement des liens à la base qu'ils le deviendront. A nous de faire qu'existent, à la base les conditions du changement, ces liens de solidarité, de liberté et d 'amitié qui empêchent réellement que le pouvoir soit réactionnaire. Il n'y a pas de grandes résistances et de petites répressions, il y a des pratiques concrètes et multiples de résistance. Mais comme notre époque est une époque obscure, époque du triomphe de la tristesse, nous devrons avoir le courage et la patience de développer de multiples expériences, des laboratoires, de toutes tailles de tous types, qui feront peu à peu la preuve, par l'expérience concrète, qu' un autre sens, que d'autres sens que le sens unique et utilitariste sont possibles, ici et maintenant et dans chaque situation. Personne ne doit demander ce qu'il doit faire. Nous devons continuer à échanger ensemble, car ni le but, ni aucune finalité ne préexiste à l' action. C'est pourquoi, notre intention n'est pas de demander au maître de nous épargner, mais d'avancer ensemble avec tous ceux et toutes celles, qui, sans ordre, sans leader, mais avec une multitude de désirs conducteurs se sont déjà mis en route. A toutes celles et ceux que quelque chose de cette « lettre à la mer », touche dans sa vie, dans son expérience, qu'elle ou qu'il la fasse circuler, par tous les moyens possibles à sa disposition. Pour le Collectif 53 Miguel Benasayag, Mathurin Bolze, Sylvie Blum , Carmen Castillo, Mary Chebbah, Jean-Baptiste Eyraud, Valérie Lang, Maguy Marin, Stanislas Nordey, Julie Paratian, François Tanguy, François Verret
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